Divorce entre citoyens espagnols et français en Espagne : aspects juridiques, compétence judiciaire, loi applicable et défis internationaux
- Ingrid Bulit

- 31 may
- 7 Min. de lectura
Actualizado: 3 jun

En tant que Franco-espagole résidant en Espagne, il est fréquent que mes compatriotes français me sollicitent concernant les conséquences juridiques d’un divorce dans ce pays, que ce soit dans le cadre de couples mixtes ou de mariages entre deux Français établis ici. Ces préoccupations s’intensifient notamment lorsque l’un des conjoints envisage de retourner en France après la séparation, soulevant des questions complexes relatives à la garde des enfants mineurs, à la liquidation du régime matrimonial, aux pensions et à la gestion du patrimoine.
Cet article aborde de manière technique et pratique les aspects essentiels de ces divorces : compétence judiciaire, loi applicable, différences entre le droit de la famille espagnol et français, ainsi que les questions de droit international privé que doivent connaître les Français (ou franco-espagnols) résidant en Espagne et confrontés à une procédure de divorce.
I. Compétence judiciaire : quel tribunal est compétent pour le divorce ?
Dans un divorce entre conjoints espagnols et français (ou entre deux Français) résidant tous deux en Espagne, la compétence judiciaire est déterminée conformément au Règlement (UE) 2019/1111 (Bruxelles II ter), applicable depuis le 1er août 2022.
Lorsque les deux conjoints ont leur résidence habituelle en Espagne, la compétence revient aux tribunaux espagnols, plusieurs critères du Règlement étant remplis :
Résidence habituelle des deux conjoints dans le même État membre (Espagne).
Résidence habituelle du défendeur (si l’un des conjoints introduit la demande).
Résidence habituelle du demandeur pendant au moins un an (ou six mois s’il a la nationalité espagnole).
Le lieu de célébration du mariage (en Espagne ou dans un autre pays) n’affecte pas directement la compétence judiciaire. Ce qui importe, c’est la résidence habituelle commune des conjoints au moment de l’introduction de la demande.
Ainsi, que le mariage ait été célébré en France, en Espagne ou ailleurs, le fait que les deux conjoints résident en Espagne confère compétence aux tribunaux espagnols.
Effets sur la garde et autres aspects
En matière de garde des enfants mineurs, la compétence revient au tribunal du lieu de résidence habituelle de l’enfant au moment de la présentation de la demande. Si les deux parents et les enfants résident en Espagne, les tribunaux espagnols seront compétents pour statuer sur la garde, les droits de visite et la pension alimentaire.
Et si l’un des conjoints souhaite retourner en France avec les enfants ?
C’est l’un des problèmes pratiques et juridiques majeurs dans les divorces internationaux entre la France et l’Espagne.
Lorsqu’un des parents (qu’il soit français ou espagnol) souhaite déménager en France avec les enfants après le divorce, il est essentiel de comprendre que :
Il ne peut le faire unilatéralement si cela affecte le régime de garde ou le droit de visite de l’autre parent. Cela est considéré comme un enlèvement international d’enfants, régi par la Convention de La Haye de 1980, qui oblige au retour immédiat de l’enfant à son lieu de résidence habituelle (Espagne).
Il devra obtenir :
Le consentement exprès de l’autre parent.
Ou, en cas de désaccord, une autorisation judiciaire espagnole (procédure spécifique).
Le juge espagnol (tribunal du lieu de résidence habituelle de l’enfant) examinera la demande de déménagement en évaluant :
L’intérêt supérieur de l’enfant (environnement familial, stabilité scolaire, santé, relations affectives, etc.).
La capacité du parent demandant le déménagement à garantir des moyens économiques, un logement, une scolarisation et une relation fluide avec l’autre parent.
L’opposition du parent restant en Espagne et son droit de contact avec les enfants.
Quand le déménagement en France peut-il être autorisé ?
Le juge peut autoriser le déménagement si certaines conditions sont remplies :
Il est démontré que le changement bénéficiera à l’enfant (meilleures conditions économiques, stabilité, soutien familial, scolarisation).
Il est garanti que le parent restant en Espagne pourra maintenir un contact régulier avec les enfants (régime de visites adapté, vacances, appels vidéo, etc.).
Le déménagement n’est pas motivé uniquement par la commodité du parent, mais réellement par la nécessité et le bénéfice pour l’enfant.
Cas particulier : le parent dépendant économiquement de l’autre
Si le parent ayant la garde manque de ressources économiques suffisantes en Espagne (par exemple, parce qu’il dépendait de l’autre conjoint pendant le mariage), il peut demander le déménagement en argumentant :
Qu’en France, il dispose d’un logement (offert par des membres de la famille).
Qu’il pourra accéder à un emploi ou à un réseau de soutien (famille, aides sociales).
Que sa situation économique en Espagne est précaire et nuit au bien-être de l’enfant.
Cependant, cela ne garantit pas automatiquement l’autorisation. Le juge analysera si ces motifs justifient suffisamment le déménagement par rapport au droit de l’autre parent de maintenir une relation régulière avec les enfants.
En cas de désaccord et de déménagement unilatéral, le parent restant en Espagne peut :
Demander le retour de l’enfant en Espagne selon la Convention de La Haye.
Engager des actions civiles ou pénales pour enlèvement international d’enfants.
Recommandation pratique
Si vous souhaitez déménager en France avec vos enfants après le divorce :
Négociez et obtenez le consentement formel de l’autre parent (même par écrit ou dans une convention réglementaire).
En cas de désaccord, demandez une autorisation judiciaire espagnole, en fournissant tous les documents démontrant que le déménagement est dans l’intérêt de l’enfant.
Si vous êtes le parent restant en Espagne et craignez le déménagement :
Exigez que tout changement soit traité légalement.
En cas de déménagement sans autorisation, agissez immédiatement pour demander le retour.
En conclusion, le déménagement international d’un enfant est un sujet délicat et complexe, combinant des éléments de droit de la famille, de droit international privé et de protection des mineurs. En Espagne, l’intérêt supérieur de l’enfant prévaut, mais les droits du parent restant sont également respectés. Il ne suffit pas d’alléguer des besoins économiques : il faut les prouver et présenter un plan clair garantissant le bien-être de l’enfant.
II. Loi applicable au divorce
Le Règlement (UE) 1259/2010 (Rome III) régit la loi applicable au divorce et permet aux conjoints de choisir entre :
· La loi de l’État de résidence habituelle au moment du choix.
· La loi du dernier lieu de résidence commune.
· La loi de l’État de nationalité commune.
· La loi du for (État où la demande est présentée).
En l’absence de choix, la loi de l’État ayant les liens les plus étroits s’applique, généralement celle de la résidence habituelle commune. Par exemple, un couple franco-français résidant en Espagne verra son divorce régi par la loi espagnole, sauf accord contraire.
Différences clés entre le divorce en Espagne et en France
Bien que les deux pays soient membres de l’Union européenne et appliquent des règlements communs (comme Bruxelles II ter et Rome III), il existe des différences notables dans la manière de traiter un divorce, le rôle du juge, les délais, les causes et les effets patrimoniaux. Voici un aperçu :
Forme de traitement du divorce
En Espagne, sauf option pour un divorce notarié (possible uniquement s’il n’y a pas d’enfants mineurs ni de biens communs), le divorce nécessite toujours une procédure judiciaire, même en cas d’accord mutuel. Le juge approuve la convention réglementaire et prononce le jugement.
En France, le divorce par consentement mutuel (divorce par acte d’avocat) se réalise devant notaire, sans intervention judiciaire, à condition qu’il n’y ait pas de désaccord concernant les enfants mineurs. Cela le rend plus rapide et privé qu’en Espagne.
2. Durée de la procédure
· En Espagne, un divorce par consentement mutuel avec enfants peut prendre plusieurs mois, tandis qu’un divorce contentieux peut durer plus d’un an.
· En France, le divorce par consentement mutuel devant notaire peut être finalisé en à peine un mois, et les divorces contentieux sont souvent plus rapides qu’en Espagne.
3. Causes du divorce
· En Espagne, le divorce est « incausé » : il n’est pas nécessaire de prouver un motif pour divorcer. Il suffit que l’un des conjoints le demande.
· En France, bien que le divorce sans cause soit admis, le Code civil continue de prévoir des motifs spécifiques :
o Divorce par consentement mutuel.
o Divorce pour altération définitive du lien conjugal (rupture de la vie commune).
o Divorce pour faute (violations graves des devoirs conjugaux).
4. Garde et autorité parentale
· En Espagne, le modèle favorisé est la garde partagée, sauf si le juge estime que ce n’est pas dans l’intérêt de l’enfant.
· En France, bien qu’on reconnaisse l’autorité parentale conjointe, on a tendance à attribuer la résidence principale à l’un des parents, avec des droits de visite pour l’autre. De plus, les enfants peuvent être entendus par le juge s’ils en font la demande.
5. Logement familial
· En Espagne, l’usage du logement familial est généralement attribué au parent ayant la garde des enfants, ou, en l’absence d’enfants, au conjoint le plus nécessiteux.
· En France, une plus grande flexibilité est permise : les conjoints peuvent décider librement du sort du logement, et en cas de désaccord, le juge tranche selon les intérêts familiaux et patrimoniaux. Il peut même ordonner la vente du bien et la répartition du prix.
6. Pension compensatoire
· En Espagne, le conjoint qui subit un déséquilibre économique à la suite du divorce peut bénéficier d’une pension compensatoire, calculée en fonction des circonstances du mariage et de la séparation.
· En France, la « prestation compensatoire » a ses spécificités :
o Généralement versée sous forme de capital unique, mais elle peut aussi être périodique.
o Elle vise à compenser la disparité de niveaux de vie créée par le divorce.
o Elle tend à être limitée dans le temps et en montant.
Conclusion
Le divorce entre un citoyen français et un citoyen espagnol, ou entre deux citoyens français résidant en Espagne, présente des défis juridiques et émotionnels multiples : compétence judiciaire, loi applicable, garde des enfants, déplacement international, partage du patrimoine et pensions. Chaque décision nécessite une connaissance approfondie du droit espagnol, du droit français et du droit international privé, ainsi que des règlements européens en vigueur.
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